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mardi 16 mars 2021

vendredi 12 mars 2021

Alors... c'est Bobby

« Alors… c’est Bobby… »


La grand-mère ouvre le livre sur ses genoux. Elle prend garde à le maintenir

en position d’oiseau dans le ciel, les ailes à peine repliées. On ne pose pas

un livre à plat, on prend soin de son dos. Les doigts longs et fins caressent

la gouttière, remontent jusqu’à l’angle droit, vers la tête. Du bout de son majeur

la grand-mère soulève le feuillet et le rabat sur le côté gauche. Que je

ne te vois jamais mouiller ton doigt pour tourner une page ! Il y a de la vénération

dans ses gestes, une certaine lenteur. Enfin elle remonte ses lunettes

sur le haut de son nez et pose son regard sur l’enfant.

L’enfant attend, les yeux brillants.

La première histoire a été celle d’Anémone, « Il était une fois une ravissante

petite fille… » et d’une mystérieuse pierre noire. Un voyage au pays des

étoiles, avec des fées, de la musique, un planeur, la contemplation des merveilles.

Depuis, l’enfant vit dans cet enchantement venu d’un recueil illustré à

l’aquarelle, et que la lecture à voix haute de la grand-mère libère. D’autres

cieux sont venus, d’autres histoires.

Elle ne perd aucun des rituels de la lectrice. Elle respire l’odeur d’amande et

de vanille qui émane du papier. Elle ferme les yeux. La magie c’est maintenant.

Elle attend La belle au bois dormant et ses marraines les fées, le Chat

avec ses bottes en cuir et la princesse dans son carrosse, le Petit Poucet et

ses frères. Elle ramasse ses jambes, les enserre dans ses bras. Elle va avoir

peur mais les ogres ne gagnent jamais. Quand sa grand-mère ouvre les

livres rouges avec le médaillon illustré sur la couverture, elle sait qu’elle va

voir le sourire de Boucles d’Or ou la robe de lune de Peau d’Ane. Elle demande

: encore ! Il y a tellement de livres dans la bibliothèque ! Elle a trois

ans, quatre ans… Son plus grand désir est d’être enfin capable de donner

vie à Cendrillon ou à Tom Pouce sans avoir besoin de sa grand-mère, de

pouvoir emprunter seule le chemin des découvertes. Savoir lire.

L’enfant a grandi. Elle reçoit des mains de l’inspecteur primaire ses premiers

livres rouges pour son Prix d’Honneur : la comtesse de Ségur en trois volumes.

Au début elle suit avec le doigt pour n’oublier aucun mot de la

phrase. Et bientôt elle sautera allègrement dans le dix-neuvième siècle, assumera

les bêtises de Sophie, se prendra d’affection pour Paul, Camille et

Madeleine. On l’appelle « mademoiselle », elle dit « vous » à sa maman. Les

filles de sa classe ne comprennent rien de ces subtilités. Ses secrets sont

dans ses livres rouges. Elle traque les mots nouveaux qui lui donnent le vertige

et qu’elle répète à voix haute, avec délectation, avant de les chercher

dans le dictionnaire : courtoisie, affront, prédiction, audace, défi, propriétaire…

A chaque anniversaire, chaque Noël, chaque occasion de récompense, l’enfant

réclame d’autres livres et chaque fois qu’elle reçoit un ouvrage elle est

prise de la même fébrilité. Quelle révélation cette fois ?

Elle a son premier fou rire avec Fifi Brindacier, le coeur qui s’emballe aux côtés

du Petit Prince, des larmes pour Poil de Carotte. Elle veut tout engloutir

et se gaver d’images, d’impossibles, d’excentricités, de sauts dans l’inconnu.

Et plus tard, ressentir la chaleur des terres de Provence et l’humidité des

ruelles de Londres, se perdre dans les forêts canadiennes et rencontrer Vendredi

sur une île déserte. Même malade, fiévreuse, à la botte de la varicelle

ou de la rougeole, elle se console, aidée de vignettes colorées, en partant

explorer le monde par la grâce d’Hergé et la connivence de son père. Elle a

de la chance, le seul endroit où elle peut se rendre seule est la librairie, au

bout de sa rue. Entre les rayonnages traîne un parfum mêlé de vieux bois, de

feuilles d’automne et de cire, et elle frémit devant les collections : Rouge et

Or, Verte, Idéal… Elle les convoite et elle s’enthousiasme à imaginer tous les

héros, toutes les héroïnes qui dorment entre les pages et qui l’attendent.

Elle a deux vies et saute à pieds joints de l’une à l’autre. L’autre nourrit l’une,

elle la conduit vers des ailleurs, des passages, et lui donne du sens. C’est sa

marelle à elle.

L’enfant n’est plus tout à fait une enfant, pas encore une grande personne.

Sur les étagères de sa chambre Les Contes et Légendes côtoient Charles

Dickens et Henri Bosco, Mérimée, Jack London, Daudet… Aux romans

d’aventures elle préfère aujourd’hui George Sand, Stendhal, mais aussi Vigny

Chateaubriand, Musset, ces auteurs et ces poètes qui la ramènent au dixneuvième

siècle et créent définitivement des liens sacrés d’un écrivain à un

autre pour lui dire les gens et les époques, et tisser le fil rouge de ce qu’elle

est en train de devenir. Ils sont ses réserves d’émotions, car ce qu’elle aime

par dessus tout c’est la vibration qui court de la phrase vers elle, parfois jusqu’à

ses larmes.

Elle prépare un exposé à présenter devant sa classe. L’édition de Graziella

dans la collection Bibliothèque Précieuse est posé sur son bureau. Elle

prend garde de ne pas casser la tranche du livre cartonné, et puis elle entre

dans la porosité des mots.

« Un nuage sur l’âme couvre et décolore plus la terre qu’un nuage sur l’horizon.

»

C’est là, ça lui donne des frissons, c’est son addiction, son nectar, le bout de

la quête, et cela s’appelle la Beauté.

Dans sa vie, après Lamartine, il y aura mille autres beautés.

Sur une terrasse, dans un crépuscule d’été, une enfant aux boucles blondes,

pose un livre sur ses genoux, l’ouvre, et, concentrée, suit du bout de son index

potelé les lignes d’encre noire sous les personnages dessinés, ouvre la

bouche et commence son récit avec application : « Alors… c’est Bobby et

Eglantine… ». Il fait sombre, le livre est à l’envers. Elle a trois ans.

« Qu’est-ce que tu fais ? » demande l’enfant devenue mère à sa fille.

« Ben… répond l’enfant aux boucles blondes… je lis ! »


Nadine Lamaison

Le 26 janvier 2020.

lundi 8 mars 2021

Souvenirs de salons du livre

Mars 2020 :  Salon du livre de Terrasson en Dordogne


Une belle rencontre avec la fameuse chanteuse des années 70, Stone, du duo Stone et Charden : un brin de nostalgie et un vrai plaisir. Pour mémoire cliquer : l'Avventura





Mai 2021 :  Salon du livre de Castelmaurou en Haute-Garonne

La magie des salons du livre : rencontre (à ma gauche) avec Magyd Cherfi (Zebda) pour des moments d'humour, de rire... et de sensibilité avec un homme d'exception aux dons multiples : la voix, le rythme et la qualité d'écriture en y incluant ses romans.




Novembre 2021 : "Parenthèse littéraire" en Tursan

Très belle rencontre avec Alain de Chalvron, lors de la remise du Prix Lire en Tursan à mon roman "Avec la bénédiction du Pope"




QUELQUES RETOURS DE LECTURES DE MES ROMANS


LES YEUX DE PIERRE 
1er roman