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lundi 19 juin 2023

 Un grand merci aux "Estivales de Malepère" qui ont attribué le prix du livre de la Malepère 2023 à mon dernier roman "Croquer le soleil".






vendredi 21 mai 2021

#ecrireapropos

#ecrireapropos  : de la souffrance psychique ou…






Tous ceux qui se risquent à l’écriture connaissent ce que Roland Barthes appelle « le frémissement d’écrire » et, déterminés ou indéterminés, ils sont passés à l’acte, pétris de doutes et d’exigences pour aller vers un plaisir plus ou moins fugace. En se heurtant à la question première : écrire à propos… de quoi ? quel sujet ? quelle urgence ? quel impératif ? quelle fascination ?…


Trois mots : écrire à propos… et ce qui s’impose, qui émerge, est cette fouille qui m’a conduite vers « Des moments possibles », écrire à propos de la souffrance psychique. Ou psychologique. Ou émotionnelle. De l’esprit, de l’âme, de l’intérieur.

Une souffrance maudite, informe. Qui effraie. Que l’on juge de loin, de haut… Trop d’incompréhension, trop de rejets -je les ai abandonnés tous ceux, et ils étaient légion, qui haussaient les épaules, en faisant un pas en arrière  devant ce qu’ils ne voulaient pas voir- trop d’a priori, trop de condescendance. 


J’ai vécu avec elle durant des années. Je l’ai accompagnée sans pouvoir la cerner. Je l’ai captée dans sa croissance sans pouvoir l’endiguer. Et mon impuissance se doublait de peur…
Je la connaissais par coeur sans jamais en définir les contours encore moins les rouages. Je la savais hors de portée des mots, diffuse et létale.


La mienne, en miroir de celle que je côtoyais, était devenue une tumeur exponentielle et je la subissais comme une punition hasardeuse. Je ne souhaitais pas m’en défaire mais la regarder en face et lui donner une visibilité. Et pour cela il me fallait trouver des mots. Lui donner forme. La montrer.
La tache serait rude car le sujet n’était pas ma propre souffrance, elle n’était qu’un second degré, une sorte de conséquence quasi génétique. Celle qui souffrait ce n’était pas moi. C’était mon autre, venue de moi. Ma fille artiste.
On sait que les êtres en marge fascinent les écrivains. Mais comment moi, la génitrice (Ô la belle culpabilité ! ), pouvais-je arracher des mots, des phrases, des chapitres, et construire un écrit pour « faire parler le silence » selon la formule de Duras ?

J’ai collationné ses dessins, tableaux, poèmes, textes et les multiples notes, réflexions, prises ici et là par elle et par moi au long d’un temps indéfini. Elle avait tellement lâché les trop-pleins de sa souffrance dans des formes plurielles, les yeux baignés de larmes et de rage ! Enfant qui tentait de se sauver par la forme artistique. Je l’avais tellement regardée, écoutée, scrutée… incapable de circonscrire le feu qui la brûlait.
Et ce sont les mots recueillis, les mots refluant de ce magma qui m’ont tracé une voie.
Pour faire apparaître l’invisible j’en ai cherché d’autres en perdant toutes mes certitudes jusqu’à ma mémoire elle-même.


La forme romanesque était un recours : je pouvais imaginer une autre vérité pour vêtir ce qui était nu. La réalité était dans l’expression de la souffrance, pas dans une authenticité des faits. Eviter les accrocs de l’insupportable, ne rien accuser, sans drame. Témoigner au plus près de l’intérieur.


De nous deux j’ai fait quatre personnages… et ce n’était plus nous. Je pouvais les regarder et les suivre. Dans cette dichotomie la souffrance s’est révélée, les mots sont nés. Les deux héroïnes ont inventé leur langage et c’était celui que je cherchais. Leurs souffrances se sont rencontrées et elles se sont reconnues l’une  l’autre. 
Dire leurs silences avait été possible. Elles m’ont sortie du mien. Et d’autres pourraient s’y reconnaître aussi, s’identifier pour un instant de rémission.


La magie n’est pas de guérir par la plume, hélas nous n’en avons pas le pouvoir, mais de pouvoir apaiser en nommant.




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Quelques réactions à ce texte : 


Marie J. Berchoud


Merci, Nadine, quel témoignage ! Oui on est démunie face à la souffrance psychique de proches. Reste à composer, à tous les sens de ce terme. Cet élan a habité ma vie dès l'enfance, et voici que je me trouve à nouveau en plein dedans... Expérience(s) faite(s), on compose avec le temps, la mémoire et l'élan/le désir de dire la venue du jour, la lumière et la paix ; mais il faut narrer l'avant, cela aussi, c'est composer et apaiser.



Emmanuelle Pesqué

Merci pour ce témoignage si fort et frémissant.





 


mardi 16 mars 2021

vendredi 12 mars 2021

Alors... c'est Bobby

« Alors… c’est Bobby… »


La grand-mère ouvre le livre sur ses genoux. Elle prend garde à le maintenir

en position d’oiseau dans le ciel, les ailes à peine repliées. On ne pose pas

un livre à plat, on prend soin de son dos. Les doigts longs et fins caressent

la gouttière, remontent jusqu’à l’angle droit, vers la tête. Du bout de son majeur

la grand-mère soulève le feuillet et le rabat sur le côté gauche. Que je

ne te vois jamais mouiller ton doigt pour tourner une page ! Il y a de la vénération

dans ses gestes, une certaine lenteur. Enfin elle remonte ses lunettes

sur le haut de son nez et pose son regard sur l’enfant.

L’enfant attend, les yeux brillants.

La première histoire a été celle d’Anémone, « Il était une fois une ravissante

petite fille… » et d’une mystérieuse pierre noire. Un voyage au pays des

étoiles, avec des fées, de la musique, un planeur, la contemplation des merveilles.

Depuis, l’enfant vit dans cet enchantement venu d’un recueil illustré à

l’aquarelle, et que la lecture à voix haute de la grand-mère libère. D’autres

cieux sont venus, d’autres histoires.

Elle ne perd aucun des rituels de la lectrice. Elle respire l’odeur d’amande et

de vanille qui émane du papier. Elle ferme les yeux. La magie c’est maintenant.

Elle attend La belle au bois dormant et ses marraines les fées, le Chat

avec ses bottes en cuir et la princesse dans son carrosse, le Petit Poucet et

ses frères. Elle ramasse ses jambes, les enserre dans ses bras. Elle va avoir

peur mais les ogres ne gagnent jamais. Quand sa grand-mère ouvre les

livres rouges avec le médaillon illustré sur la couverture, elle sait qu’elle va

voir le sourire de Boucles d’Or ou la robe de lune de Peau d’Ane. Elle demande

: encore ! Il y a tellement de livres dans la bibliothèque ! Elle a trois

ans, quatre ans… Son plus grand désir est d’être enfin capable de donner

vie à Cendrillon ou à Tom Pouce sans avoir besoin de sa grand-mère, de

pouvoir emprunter seule le chemin des découvertes. Savoir lire.

L’enfant a grandi. Elle reçoit des mains de l’inspecteur primaire ses premiers

livres rouges pour son Prix d’Honneur : la comtesse de Ségur en trois volumes.

Au début elle suit avec le doigt pour n’oublier aucun mot de la

phrase. Et bientôt elle sautera allègrement dans le dix-neuvième siècle, assumera

les bêtises de Sophie, se prendra d’affection pour Paul, Camille et

Madeleine. On l’appelle « mademoiselle », elle dit « vous » à sa maman. Les

filles de sa classe ne comprennent rien de ces subtilités. Ses secrets sont

dans ses livres rouges. Elle traque les mots nouveaux qui lui donnent le vertige

et qu’elle répète à voix haute, avec délectation, avant de les chercher

dans le dictionnaire : courtoisie, affront, prédiction, audace, défi, propriétaire…

A chaque anniversaire, chaque Noël, chaque occasion de récompense, l’enfant

réclame d’autres livres et chaque fois qu’elle reçoit un ouvrage elle est

prise de la même fébrilité. Quelle révélation cette fois ?

Elle a son premier fou rire avec Fifi Brindacier, le coeur qui s’emballe aux côtés

du Petit Prince, des larmes pour Poil de Carotte. Elle veut tout engloutir

et se gaver d’images, d’impossibles, d’excentricités, de sauts dans l’inconnu.

Et plus tard, ressentir la chaleur des terres de Provence et l’humidité des

ruelles de Londres, se perdre dans les forêts canadiennes et rencontrer Vendredi

sur une île déserte. Même malade, fiévreuse, à la botte de la varicelle

ou de la rougeole, elle se console, aidée de vignettes colorées, en partant

explorer le monde par la grâce d’Hergé et la connivence de son père. Elle a

de la chance, le seul endroit où elle peut se rendre seule est la librairie, au

bout de sa rue. Entre les rayonnages traîne un parfum mêlé de vieux bois, de

feuilles d’automne et de cire, et elle frémit devant les collections : Rouge et

Or, Verte, Idéal… Elle les convoite et elle s’enthousiasme à imaginer tous les

héros, toutes les héroïnes qui dorment entre les pages et qui l’attendent.

Elle a deux vies et saute à pieds joints de l’une à l’autre. L’autre nourrit l’une,

elle la conduit vers des ailleurs, des passages, et lui donne du sens. C’est sa

marelle à elle.

L’enfant n’est plus tout à fait une enfant, pas encore une grande personne.

Sur les étagères de sa chambre Les Contes et Légendes côtoient Charles

Dickens et Henri Bosco, Mérimée, Jack London, Daudet… Aux romans

d’aventures elle préfère aujourd’hui George Sand, Stendhal, mais aussi Vigny

Chateaubriand, Musset, ces auteurs et ces poètes qui la ramènent au dixneuvième

siècle et créent définitivement des liens sacrés d’un écrivain à un

autre pour lui dire les gens et les époques, et tisser le fil rouge de ce qu’elle

est en train de devenir. Ils sont ses réserves d’émotions, car ce qu’elle aime

par dessus tout c’est la vibration qui court de la phrase vers elle, parfois jusqu’à

ses larmes.

Elle prépare un exposé à présenter devant sa classe. L’édition de Graziella

dans la collection Bibliothèque Précieuse est posé sur son bureau. Elle

prend garde de ne pas casser la tranche du livre cartonné, et puis elle entre

dans la porosité des mots.

« Un nuage sur l’âme couvre et décolore plus la terre qu’un nuage sur l’horizon.

»

C’est là, ça lui donne des frissons, c’est son addiction, son nectar, le bout de

la quête, et cela s’appelle la Beauté.

Dans sa vie, après Lamartine, il y aura mille autres beautés.

Sur une terrasse, dans un crépuscule d’été, une enfant aux boucles blondes,

pose un livre sur ses genoux, l’ouvre, et, concentrée, suit du bout de son index

potelé les lignes d’encre noire sous les personnages dessinés, ouvre la

bouche et commence son récit avec application : « Alors… c’est Bobby et

Eglantine… ». Il fait sombre, le livre est à l’envers. Elle a trois ans.

« Qu’est-ce que tu fais ? » demande l’enfant devenue mère à sa fille.

« Ben… répond l’enfant aux boucles blondes… je lis ! »


Nadine Lamaison

Le 26 janvier 2020.

lundi 8 mars 2021

Souvenirs de salons du livre

Mars 2020 :  Salon du livre de Terrasson en Dordogne


Une belle rencontre avec la fameuse chanteuse des années 70, Stone, du duo Stone et Charden : un brin de nostalgie et un vrai plaisir. Pour mémoire cliquer : l'Avventura





Mai 2021 :  Salon du livre de Castelmaurou en Haute-Garonne

La magie des salons du livre : rencontre (à ma gauche) avec Magyd Cherfi (Zebda) pour des moments d'humour, de rire... et de sensibilité avec un homme d'exception aux dons multiples : la voix, le rythme et la qualité d'écriture en y incluant ses romans.




Novembre 2021 : "Parenthèse littéraire" en Tursan

Très belle rencontre avec Alain de Chalvron, lors de la remise du Prix Lire en Tursan à mon roman "Avec la bénédiction du Pope"




QUELQUES RETOURS DE LECTURES DE MES ROMANS


LES YEUX DE PIERRE 
1er roman

jeudi 25 février 2021

Il vient de nous quitter : Jean-Pierre TAILHADE.

Dans les missives que je garde précieusement, il y a du courrier signé "Tailhade". C'est lui qui m'a incitée à écrire. Ses encouragements ont été déterminants.
Mon émotion est grande quand je relis ses mots écrits sur une carte en 1999 et qu'il m'adressait alors que je venais de perdre un proche : "je voulais vous dire que la mort est abominable".
Merci cher Jean-Pierre, vous étiez le talent, l'exigence et l'élégance.